Révolte des vignerons du Languedoc en 1907

En 1907, dans le Languedoc et en pays catalan, de nombreux vignerons se révoltèrent contre le cabinet Clemenceau. Ce vaste mouvement de manifestations est le fruit d'une grave crise viticole survenue au début du XXe siècle.


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  • Monographie historique étudiant la révolte des vignerons du Languedoc en 1907.1907, la révolte des vignerons. Félix Napo. Etudes et communication. 2007... (source : biblio.aude)

En 1907, dans le Languedoc et en pays catalan, de nombreux vignerons se révoltèrent contre le cabinet Clemenceau. Ce vaste mouvement de manifestations est le fruit d'une grave crise viticole survenue au début du XXe siècle.

Ce mouvement est aussi nommé «révolte des gueux» du Midi. Il a été surtout marqué par la fraternisation du 17e régiment d'infanterie de ligne avec les manifestants, à Béziers.

Le vignoble languedocien avant la crise de 1907

Une viticulture ancienne

La vigne est cultivée dans le Languedoc depuis les Romains. Elle s'est maintenue au Moyen Âge, surtout grâce aux monastères. Cependant, les activités agricoles étaient principalement basées sur les céréales, mais aussi sur l'élevage (essentiellement les ovins) et la culture de l'olivier.

La viticulture se développe au XVIIIe siècle grâce à la création du port de Sète et l'achèvement du canal du Midi. Le vin peut être plus aisément transporté vers de nouveaux marchés. On perfectionne aussi les techniques de conservation du vin. À la veille de la Révolution française, à peu près 50 % des terres sont couvertes de vigne autour de Béziers.

En 1853, le chemin de fer arrive en Languedoc et autorise la viticulture languedocienne d'élargir ses débouchés, surtout le nord et l'est de la France, régions industrielles où les ouvriers sacrifient une part non négligeable de leur salaire dans l'achat de vin, et dans les grandes agglomérations françaises (Paris et sa banlieue, Lyon et le couloir rhodanien…).

Des ennemis microscopiques

Au XIXe siècle, la viticulture française fait face à plusieurs crises : l'oïdium, qui se répand aux alentours de 1850 en attaquant les feuilles de la vigne mais aussi les fruits, puis le phylloxéra en 1863, ainsi qu'à la fin du XIXe siècle, le mildiou, un autre champignon qui se fixe sur le dos des feuilles. Il produit à la surface de celles-ci des reflets huileux qui entraînent leur chute de façon précoce tout en affaiblissant le cep. Grâce à la bouillie bordelaise, mixant du sulfate de cuivre à de la chaux, et l'introduction de plants américains, utilisés comme porte-greffes naturellement résistants au phylloxéra, la vigne se trouve totalement régénérée.

Tandis que partout ailleurs, en particulier dans le Nord-Ouest , la surface plantée en vignes est en régression (le vignoble normand, par exemple, disparaît), mais elle augmente dans les départements de l'Aude, du Gard, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales[1]. À eux quatre, ils fournissent 40 % de la production française de vin.

Le Haut Languedoc, et surtout le Biterrois et Béziers, autoproclamée "Capitale mondiale du vin", s'enrichit rapidement. De grandes fortunes se forment. De grands propriétaires terriens, issus de l'industrie, de la finance ou des professions libérales, possèdent d'immenses domaines de plusieurs dizaines d'hectares.

Le Midi Rouge

Vignerons audois entrant un foudre dans un hangar agricole

Le développement viticole du Haut Languedoc profite à de nombreux petits propriétaires. Certains ont un autre métier et ont ainsi un revenu d'appoint tiré de la vigne. Dans le Biterrois, il existe de nombreuses petites exploitations familiales qui vivent de la viticulture. Elles voient leurs bénéfices suivre la courbe ascendante.

La viticulture procure de nombreux emplois induits, ouvriers agricoles, tonneliers, fabricants d'engrais, d'outils, de machines, mais également dans le transport et le négoce. Les petits propriétaires doivent s'organiser pour mieux écouler leur production. Au début du XXe siècle, dans le Biterrois, certains d'entre eux fondent des coopératives. En 1905 apparaît la construction de la cave coopérative de Maraussan, à l'ouest de Béziers. L'idée a germé dès 1901 sous l'impulsion d'un limonadier biterrois, Elie Cathala, un habitué des circuits de distribution. Ce qui n'était au départ qu'une coopérative de vente devient une coopérative de vinification pour les viticulteurs coopérants. Au mois de mai 1905, la cave reçoit la visite de Jean Jaurès. Suite à Maraussan, d'autres caves coopératives seront construites dans le Languedoc, le Roussillon et dans les autres régions viticoles françaises, en Provence comme dans le Bordelais.

Une grande majorité de ces "petits vignerons" coopérants du Languedoc et du Roussillon sont de sensibilité socialiste, ou alors communiste (mise en commun des outils de production et des bénéfices de la vente, principe de base des caves coopératives), formant ainsi un "Midi Rouge". La majorité des élus locaux, issus de communes rurales ou du milieu viticole, sont les représentants politiques de ce "Midi Rouge".

Des liens politiques unissent les vignerons et ouvriers agricoles du Languedoc aux classes ouvrières de la France du nord et de l'est .

Crise du début du XXe siècle

Crise de surproduction

Les années 1902 et 1903 avaient connu de faibles récoltes, dues à la météorologie : 35 à 40 millions d'hectolitres. Les cours sont alors de 16 francs, puis de 24 francs l'hectolitre.

En 1904 et 1905, toujours à cause de la météorologie, les récoltes sont extrêmement abondantes dans toute l'Europe : la hausse de production est de 96 % en France, de 48 % en Espagne, de 16 % en Italie, les trois principaux producteurs européens. Tandis que le seuil de mévente se situe à 50 millions d'hectolitres, la production est de 69 millions[2]. La production se maintient à un niveau élevé les années suivantes : 58 millions d'hectolitres en 1905, 52 en 1906, 66 en 1907. Le prix de l'hectolitre de vin passe à 6 ou 7 francs[3].

Le vin languedocien se vend de plus en plus mal. Les récoltes abondantes font gonfler des stocks devenus impossibles à écouler. Dans les troquets, on vend même le vin «à l'heure» : on paye et on boit tout le vin qu'on veut… ou qu'on peut boire !

Dès 1905, une manifestation rassemble 15 000 personnes à Béziers[4].

Concurrence accrue et vins frelatés

À cette crise de surproduction, s'ajoute la concurrence étrangère (l'Espagne et l'Italie ont elles aussi des excédents à écouler), et celle des vins algériens.

De plus, le marché est en partie occupé par des vins élaborés à partir de raisins séchés importés (type raisins de Corinthe), de vins dits «mouillés» (allongés d'eau), chaptalisés ou même élaborés sans raisin. Si les vignerons accordent une grande importance à cette concurrence déloyale, qui existe, elle ne représente pas plus de 5 % du marché[5].

Les événements de 1907

«Depuis l'épidémie de phylloxéra, le pays n'avait pas connu une identique misère. Il y avait trois ans qu'elle montait. Les vignerons tournaient dans leurs caves comme des fauves autour de leurs grilles. Les ouvriers sans travail promenaient par les rues leurs visages terreux. Des femmes aux chignons croulants montraient le poing au ciel. Les enfants pleuraient. Jamais la détresse humaine n'était apparue plus poignante que dans ce terroir d'abondance et de soleil.» (Ludovic Massé, Le vin pur, Paris, P. O. L, 1984, p. 189)

Le comité d'Argeliers

Comité de défense viticole de Trèbes lors d'une manifestation dans l'Aude

En 1907, la crise est là. Les petits viticulteurs sont ruinés, les ouvriers agricoles sont au chômage. Il y a un effet domino sur toute la population, la ruine des vignerons entraîne celle des commerçants et des autres corps de métiers, la misère règne sur tout le littoral. Les vendanges de 1906 ne se vendent pas. En février 1907, une grève fiscale commence à Baixas.

Le 11 mars 1907, le signal de la révolte est donné par un groupe de vignerons du Minervois, dans le village d'Argeliers. Ils sont menés par Marcelin Albert et Élie Bernard lequel fonde le Comité de défense viticole ou Comité d'Argeliers. Il organise une marche, avec 87 vignerons, vers Narbonne, pour avoir une entrevue avec une commission parlementaire. il est appelé plus tard Secrétaire Général de la Confédération Générale de Vignerons du Midi .

Tous les dimanches, des meetings et des manifestations sont organisés.

Les grandes manifestations

Le mouvement s'accélère et gagne en ampleur :

Les mutins du 17e

Le 17e régiment d'infanterie de ligne est muté de Béziers à Agde le 18 juin 1907.

Dans la soirée du 20 juin, les soldats apprennent le drame de Narbonne. À peu près 500 soldats de la 6e compagnie du 17e régiment d'infanterie se mutinent. Ils emportent armes et munitions, quittent la caserne où ils étaient cantonnés et prennent la direction de Béziers, à pied. Ils parcourent une vingtaine de kilomètres, par une marche de nuit. Le 21 juin, en début de matinée, ils arrivent à Béziers. Ils sont accueillis chaleureusement par les Biterrois. Les soldats s'installent alors sur les Allées Paul Riquet, longue esplanade au centre de Béziers et ils fraternisent avec la population qui n'hésite pas à leur offrir de la nourriture et du vin. Les autorités militaires ne peuvent accepter cette mutinerie. L'exemple du 17e régiment peut donner des idées identiques à d'autres régiments de la région. Les forces de l'ordre chassent les mutins dans la journée, sans aucun incident majeur. Le 22 juin, par train, les soldats sont contraints de regagner leur caserne agathoise. Plus tard, les leaders de la mutinerie sont envoyés en Tunisie, à Gafsa, par mesure disciplinaire, puis connaissent l'horreur des tranchées au cours de la Grande Guerre.

C'est suite à ces événements que désormais les conscrits effectueront leur service militaire loin de chez eux.

La mutinerie des soldats du 17e est restée célèbre surtout par les paroles de la chanson de Montéhus "Gloire au 17e", dont le refrain clame : «Salut, salut à vous, / Braves soldats du dix-septième...».

Sortie de crise : échecs et réussites de la révolte

Marcelin Albert est pourchassé par la police, mais il se cache et se sauve à Paris. Il ne réussit pas à être reçu à l'Assemblée nationale qui débat du projet de loi contre la fraude. Il réussit à se faire recevoir par Georges Clemenceau, chef du gouvernement, au ministère de l'Intérieur. Ce dernier va le persuader de retourner calmer la rébellion et lui donne un billet de cent francs, qui sera d'ailleurs remboursé, conçu pour payer le retour en train. Mais égalementtôt Marcelin Albert parti, Clemenceau arrange l'histoire à sa façon aux journalistes, insiste sur ce billet, et discrédite ainsi adroitement Marcellin Albert, entraînant la colère de ses anciens amis. Le "rédempteur" devient le "vendu" et manque de se faire lyncher. Albert part en Algérie, discrédité et détesté, les vignerons d'Algérie se cotisent pour lui qui a défendu les viticulteurs, mais il meurt dans la misère.

Sous la pression des évènements, le parlement promulgue une loi «tendant à prévenir le mouillage des vins et l'abus du sucrage» le 29 juin 1907[9]. L'ensemble des propriétaires doivent désormais déclarer la superficie de leur vignobles et l'importance de leur récolte, les syndicats ont désormais le droit de se porter partie civile pour la répression des fraudes. La loi du 15 juillet réglemente la circulation des vins et des alcools.

Le 2 août, l'ensemble des dirigeants emprisonnés sont libérés. En septembre, la Confédération générale viticole est créée.

Cependant, les effets de la crise viticole sont longs à résorber. Des milliers d'hectolitres de «pinard» sont distillés. Le Languedoc connaît ensuite d'autres crises viticoles, liées à la surproduction ainsi qu'à la mévente (on parle de «crises chroniques» de la monoculture de la vigne).

Voir aussi

Bibliographie

Sources

Notes

  1. Emmanuel Le Roy Ladurie, 1907, le millésime de la colère. L'Histoire no 320, mai 2007, p 64
  2. Le Roy Ladurie, p 65
  3. Le Roy Ladurie, p 65
  4. Le Roy Ladurie, p 66
  5. Le Roy Ladurie, p 65
  6. Le Roy Ladurie, p 66
  7. Jean Clavel, http ://1907larevoltevigneronne. midiblogs. com/archive/2006/05/24/juin-1907-actions-sang-et-larmes. html
  8. HISTOIRE > "Le 19 juin 1907, la crise de la viticulture languedocienne débouche sur un affrontement tragique entre les forces de l'ordre et les manifestants. C'est la révolte d'une France rurale - ÉCOUTE... ÉCOUTE...
  9. Christophe Deroubaix, Gérard Le Puill, Alain Raynal, Les Vendanges de la colère, midi viticole 1907/2007, Au diable vauvert, 2007
  10. Célébration des événements de 1907 dans l'Aude

Liens externes


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