Catastrophe de Courrières

La catastrophe de Courrières est principale catastrophe minière d'Europe. Elle tire son nom de la Compagnie des mines de Courrières qui exploitait alors le gisement de charbon du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais dans le Pas-de-Calais.


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  • Les mineurs réclament de meilleures conditions de travail et des .... un élément déjà en place lors de la Catastrophe de Courrières, est toujours visible, ... Le puits aura atteint la profondeur de 512 mètres. Cette fosse ne possède qu'... (source : fr.academic)
  • ... Il fut le premier représentant des mineurs auprès du patron de la mine... La catastrophe de Courrières est principale catastrophe minière d'Europe.... 110 kilomètres de galeries dans les fosses n° 2 à Billy-Montigny, ... pouvaient plus circuler dans le puits n° 3 et que des débris et des ... (source : anygold.over-blog)

La catastrophe de Courrières est principale catastrophe minière d'Europe. Elle tire son nom de la Compagnie des mines de Courrières qui exploitait alors le gisement de charbon du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais dans le Pas-de-Calais. Elle eut lieu entre Courrières et Lens, le samedi 10 mars 1906 et fit officiellement 1 099 morts. Ce gisement fournissait alors 7 % de la production nationale de charbon. Un coup de grisou suivi d'un coup de poussier dévasta 110 kilomètres de galeries dans les fosses n° 2 à Billy-Montigny, 3 à Méricourt et 4 à 11 à Sallaumines. Le choc fut si fort que les cages ne pouvaient plus circuler dans le puits n° 3 et que des débris et des chevaux furent projetés à une hauteur de dix mètres sur le carreau de la fosse.

La catastrophe de Courrières illustrée par Le Petit Journal.

La catastrophe provoqua une crise politique et un mouvement social qui déboucha sur l'instauration du repos hebdomadaire.

Les fosses concernées

Les fosses de la Compagnie des mines de Courrières en 1906.13 puits étaient établis dont un en cours de fonçage.

Les plus anciennes fosses de la Compagnie des mines de Courrières, ouvertes sous le Second Empire, présentent d'importantes veines de charbon gras, et la majeure partie du travail d'abattage s'effectue à un niveau compris entre 326 et 340 mètres.

À 6 h 34, le samedi 10 mars 1906, un «coup de poussière» d'une rare violence ravage en quelques secondes 110 kilomètres de galeries communes aux trois fosses et localisées sur les territoires de Billy-Montigny (fosse n° 2 dite Auguste Lavaurs), Méricourt (fosse n° 3 dite Lavaleresse ou Charles Boca), Noyelles-sous-Lens et Sallaumines (fosse n° 4/11 dite Sainte-Barbe ou Charles Derome). La fosse n° 10 de Billy-Montigny, localisée moins d'un kilomètre au Sud-Est de la fosse n° 2 ne fut pas affectée par la catastrophe. Tout était en état de marche dans ce puits. Quand la catastrophe eut lieu, le puits n°15 était en cours de fonçage à côté du puits n° 3 depuis 1905. Il n'était par conséquent pas utilisable. Le puits n° 20 ne sera adjoint au puits n° 10 que quelques années plus tard[note 1].

La fosse n° 2
La fosse n° 3/15
La fosse n° 4/11
La fosse n° 10


Avant 1891, les puits fonctionnaient indépendamment, les galeries au fond ne communiquaient pas avec celles des autres sièges[1] dans le bassin minier, à de rares exceptions près. Cela changea quand les galeries d'une des fosses de la Compagnie des mines de Bruay furent inondées. Par conséquent, l'administration autorisa le creusement de bowettes entre plusieurs sièges d'extraction car en cas d'inondation, les secours sont facilités et les eaux, étalées sur une plus grande surface, sont évacuées plus rapidement et font moins de dégâts[1].

Au sein de la Compagnie des mines de Courrières, chaque fosse est indépendante, les chantiers du fond sont reliés et les puits fonctionnent en réseau[1]. La première fosse ouverte par la compagnie est la fosse n° 1 sur le territoire de Courrières. Elle entre en exploitation en 1851 mais n'étant pas rentable, l'extraction y cesse en 1888. Ce puits sera rebouché après la Première Guerre mondiale. Les puits des fosses n° 2 à Billy-Montigny, 3 de Méricourt et 4 de Sallaumines commencent à extraire respectivement en 1856, 1860 et 1867[1]. Le fonçage du puits n° 10 a débuté en 1896 et l'exploitation débute en 1900[1]. Originellement autonomes, ces fosses étaient reliées par des galeries au moment de la catastrophe. Cinq puits répartis sur quatre fosses (n° 2, 3, 4/11 et 10) sont connectés entre eux pour l'aérage. Les puits n° 10 et 11 sont des entrées d'air, les puits n° 2 et 4 sont des sorties d'air. Quant au puits n° 3, il assure les deux fonctions : Deux cloisons divisent le puits en trois compartiments. Le compartiment central est le plus grand, il permet la circulation des cages et l'entrée de l'air. Sur les côtés, il existe deux compartiments de plus petite taille. Le premier goyot permet de la sortie de l'air, quant au second, il est équipé d'échelles qui permettent au personnel de pouvoir remonter en cas de panne des cages. Le choc de la déflagration ayant endommagé les cloisons, la circulation de l'air ne fonctionnait plus. Une autre caractéristique de ce dispositif est que l'air entrant dans le puits est envoyé dans trois zones : vers les puits n° 2 et 4 et vers un quartier d'extraction au sud du puits n°3. C'est l'air qui est envoyé dans ce quartier qui remonte par le goyot du puits n° 3.

La catastrophe

Découverte de victimes dans une galerie.

Le coup de poussière a certainement été déclenché par un coup de grisou dû à l'utilisation de lampes à feu nu.

Des conditions déjà dégradées

Au contraire de ce qu'on a longtemps pensé, l'incendie qui s'était déclenché les jours qui ont précédé n'en serait pas directement la cause quoiqu'il ait beaucoup contribué à dégrader les conditions de travail au fond (gaz toxiques) et par conséquent à augmenter la mortalité. En effet, le 7 mars, un feu avait été découvert dans l'une des veines de la fosse de Méricourt. Il s'agit de la veine Cécile, à la profondeur de 326 mètres, l'exploitation y est terminée[1]. Il fut découvert à 22 heures par un ouvrier qui ramenait son cheval à l'écurie. Le feu était localisé dans un vieux tas de bois[1]. Cet incendie serait dû à la lampe d'un mineur qui travaillait dans ce secteur. Les ingénieurs et les chefs (les porions) décident d'édifier des barrages pour l'étouffer. Dans la nuit du 6 au 7 mars, un barrage, une estoupée longue de trois mètres est édifié. Elle est faite de terres et de cailloux[1]. Afin d'étouffer le feu, l'ingénieur de la fosse Barrault fait établir un autre barrage à la bifurcation de la veine Cécile avec la bowette de l'étage 280. D'autres barrages furent toujours édifiés afin d'étouffer toujours plus vite l'incendie en coupant les arrivées d'air et , par conséquent, d'oxygène. Ces travaux durèrent l'ensemble des journées des 7, 8 et 9[1]. La situation empirant, le 9 mars, la construction de plusieurs autres barrages consécutifs est décidée, le dernier est réalisé en maçonnerie, il fut achevé le soir.

Pierre Simon, plus connu sous le nom de Ricq[1], délégué-mineur depuis 1891, demande à ce que personne ne descende tant que le feu ne sera pas éteint, mais son avis n'est pas suivi. Poursuivre l'exploitation du charbon dans ces conditions est en effet trop dangereux[1].

Une galerie après l'éboulement.

La déflagration

Le point de départ de cette catastrophe est l'explosion d'une poche de grisou dans le chantier Lecœuvre[2]. La présence de ce gaz avait été suspectée quelques jours plus tôt par des mineurs de fond mais la compagnie n'avait pas tenu compte de leurs avertissements. Le coup de grisou a ensuite soulevé la poussière de charbon, cette dernière, bien plus explosive que le grisou, s'est mise en auto-combustion et la flamme a parcouru 110 kilomètres de galeries[3] en moins de deux minutes. Le coup de grisou a par conséquent été immédiatement suivi par un coup de poussier bien plus dévastateur et meurtrier[4].

Le 10 mars, à six heures du matin, 1 664 mineurs et galibots (âgés de 14 à 15 ans), étaient déjà descendus dans les fosses 2, 3, 4 et 10 dont les zones de travail étaient localisées à une profondeur variant entre 330 et 340 mètres. À 6 h 30, des employés aperçoivent une fumée noire sortant de la porte du moulinage[note 2] de la fosse n° 3. Quelques minutes plus tard, une déflagration ébranle le puits n° 4. La chaleur causée par l'explosion a transformé les galeries en une véritable fournaise, et la déflagration associée a tout balayé sur une distance de 110 kilomètres. Par la suite, les gaz méphitiques[note 3] se sont répandus dans les galeries. La déflagration fut si forte que des débris et des chevaux furent projetés à une hauteur de dix mètres sur le carreau de la fosse n° 3. [5]

Le début du sauvetage

Les femmes assises en rond attendent sur le carreau de la Fosse de Sallaumines.

Une violente secousse fut ressentie dans les quartiers avoisinant les trois charbonnages[2]. Elle fut immédiatement suivie d'un bruit sourd. Selon d'autres témoignages, il s'agirait d'une violente détonation[2]. Portes et fenêtres commencent à s'ouvrir. Les habitants s'interrogent et commencent à s'inquiéter. Ils ne savent en effet pas encore quelle fosse est touchée.

Le directeur de la Compagnie, Lavaurs, est immédiatement alerté. Son habitation est localisée à côté du carreau de fosse n° 2[2]. Il s'y rend aussitôt, donne ses instructions et se rend immédiatement à la fosse n° 3. L'ingénieur Voisin et un homme d'about[note 4] descendent prudemment dans le puits n° 2 qui est intact. À 306 mètres de profondeur, ils découvrent évanoui le chef-porion Lecerf qu'ils ramènent à la surface[2].

À la fosse n° 3, l'ingénieur principal Petitjean se trouvait à une quarantaine de mètres du chevalement quand un nuage de poussières jaillit du puits dans un vacarme épouvantable et retombe sur les installations[2]. Le souffle est si fort qu'un cheval est projeté en l'air, le chevalet a été soulevé et le moulinage a été ravagé[2].

La foule aux abords de la fosse de Sallaumines.

Abasourdi, Petitjean reprend ses esprits et court vers le puits. Il constate que la cloison du goyot est démolie. Donc, l'aérage ne peut plus se faire correctement, et certains travaux au fond risquent de manquer d'air frais[2]. Il est impossible de remonter la cage qui était au fond au moment de l'explosion dans la mesure où les parois du puits se sont rapprochées[2]. Pire toujours, plus personne ne peut descendre par les échelles car le puits est complètement bouché par un amas de ferraille. Le directeur de la Compagnie Lavaurs passe. Pour atteindre les chantiers de la fosse n° 3, il va falloir descendre par le puits de la fosse 4/11. En effet, désobstruer le puits demanderait trop de temps[2].

Vers huit heures, à la fosse n° 2, l'ingénieur et l'homme d'about tentent une nouvelle descente. Ils sont cette fois-ci accompagnés de Charles Casteyes, c'est un jeune galibot venant de Montigny-en-Gohelle chargé de porter les médicaments. Juste avant la descente, l'ingénieur Voisin demande au mécanicien de ne pas faire descendre la cage au-delà de l'étage d'exploitation n° 258, soit 258 mètres de profondeur. L'air devient irrespirable passé cette profondeur[2]. La cage descend dans le puits, passe au niveau de l'étage 258. Hélas, dans la panique, le mécanicien a oublié de stopper la machine. Quand la cage passe devant un étage, l'homme d'about en bondit et alerte les personnels au jour. Le mécanicien, ayant compris son erreur, fait machine arrière, la cage remonte[2]. L'ingénieur Voisin et Charles Casteyes sont évanouis. Le bras du galibot, la tête de l'ingénieur mais aussi son pied dépassent de la cage. Or, tout ce qui en dépasse risque d'être sectionné ou broyé. Soudain, une secousse survient dans le puits, la tête de l'ingénieur revient dans la cage. Au final, Voisin a eu le pied cassé et Charles Casteyes a eu le bras en bouillie. Par la suite, les gaz envahissent le puits n° 2. Toute opération de sauvetage devient impossible[2].

Les restes d'une victime.

Au puits n° 4, la cage a été projetée à une dizaine de mètres de hauteur. Elle est retombée de travers donc, elle est inutilisable en l'état, il va falloir la dégager des décombres. Ici, la violence du choc a fait voler en éclat l'ensemble des carreaux du bâtiment central[2]. Georges Engelaêre d'Avion réparait au moment de la catastrophe l'armature métallique du chevalet. Il a été projeté sur l'escalier menant au moulinage[2]. Il y gît, son crane est fracturé. Des mineurs le transportent dans une pièce près du logement du concierge[2] car il est toujours en vie. L'ingénieur en chef Bar arrive à la fosse 4/11 peu après l'explosion. il constate que la cage du fond est bloquée à 383 mètres de profondeur[2]. Il descend immédiatement par les échelles du goyot sans prendre le temps d'enfiler ses habits de fosse. Il descend accompagné de l'ingénieur principal de la fosse Domézon, son adjoint l'ingénieur Bousquet, le délégué mineur Dacheville, l'ancien chef-porion Lecomte et le chef-porion Douchy. Une fois au-dessus de la cage, ils la libèrent. Dès lors, apparaissent à l'orifice du puits n° 11 trois mineurs : Joseph Mary, Louis Lévêque et Louis Martin[2]. Quelques minutes après, c'est le porion-contrôleur Payen qui sort[2].

À neuf heures, lorsque la fumée fut enfin dissipée dans le puits n° 3, un porion[note 5] et un ingénieur descendirent par les échelles du goyot[note 6]. Ils furent malheureusement bloqués à 70 mètres de profondeur dans la mesure où les échelles étaient tombées[2].

À la fosse n° 4/11, la cage fut rapidement dégagée des décombres. Les sauveteurs ont pu descendre par les échelles et ils trouvèrent des rescapés à 331 mètres de profondeur[2]. À la fosse n° 2, les cages pouvaient fonctionner comme d'ordinaire. Dans le puits, rien ne laissait croire à une catastrophe. Les bowettes[note 7] entre la fosse n° 2 et la fosse n° 3 étaient coupées. Certains ouvriers de la fosse n° 3 ont malgré tout pu s'enfuir et remonter à la surface en passant par le puits n° 2[2]. Pendant ce temps, à la fosse n° 10, la cage fonctionne comme d'habitude, les mineurs de la fosse sont remontés. À ce groupe s'ajoutent des mineurs de la fosse n°2[2].

La remonte des victimes.

Dans les corons, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre : une catastrophe a touché les fosses. Aussitôt, les épouses, les mères, les grands-parents et les enfants se précipitent vers les puits sinistrés. Devant les installations de surface, les grilles sont fermées. Devant l'afflux de personnes, des gendarmes sont nommés en renfort[2]. Tous attendent des nouvelles, des femmes sont même atteintes de crises nerveuses[2]. Certaines ont toujours plusieurs membres de leur famille dans les galeries.

Les avenues de fosses et les rues des cités sont envahies par des milliers de personnes. Tous sont à la recherche de parents ou d'amis. Des nouvelles partielles parviennent à la préfecture d'Arras et au journal le Réveil du Nord. La préfecture apprend qu'une importante catastrophe aurait touché la fosse 4/11 de Sallaumines[2], au journal, une épouvantable catastrophe aurait eu lieu à Billy-Montigny. La réalité apparaît bien vite : un coup de grisou a touché les fosses n° 2, 3 et 4/11 des mines de Courrières. 1 800 mineurs y étaient descendus au matin[2].

Dès l'annonce de la catastrophe, Monsieur Tournay, maire de Billy-Montigny, accourt à la fosse n°2. La foule est maintenue à distance par les gendarmes locaux aidés par quelques agents d'Hénin-Liétard. Les docteurs Minet et Boulogne amputent sur place le galibot Charles Casteye. Ce dernier est ensuite emmené à l'hôpital. Pour réanimer les asphyxiés, des médecins des compagnies voisines arrivent. D'autres médecins arrivent même de Lille, les docteurs Colle et Albert Debeyre, mais aussi des médecins militaires, des internes et des externes de l'hôpital Saint-Sauveur[2]. 400 personnes à peu près travaillent à la fosse n° 2. Pour le moment, uniquement une dizaine de blessés a été remontée. Parmi eux, on compte le porion Fossez, Louis Briou père et fils, Émile Bouillez père et fils, l'ingénieur Peger et le chef-porion Lecerf[2]. Une question commence à se poser : que sont devenus les autres mineurs ? On sait déjà que 200 mineurs ou alors plus seraient remontés par le puits n° 10. Il devrait alors en rester tout autant au fond. Il est cependant toujours impossible de descendre dans la mesure où les gaz ne se sont pas suffisamment dissipés[2].

Simon, plus connu sous le nom de Ricq est délégué mineur à la fosse n°3. Il était chez lui à Méricourt-Village quand il entendit le bruit sourd de la déflagration. Il ne doute pas un instant. Un accident a eu lieu à cause du feu qui couvait dans la veine Cécile. Il enfile ses habits de fosse et accourt au carreau de fosse[2]. Un ventilateur se remet à fonctionner. Le mauvais air est explusé. Pour descendre, on attacha un cuffat (grand tonneau) à la place de la cage du puits de la fosse n° 3 : quatre hommes s'y installèrent et on les descendit. La descente s'arrêta à 50 mètres de profondeur dans la mesure où le puits était envahi de débris. Ces débris furent évacués pendant toute la journée pour libérer le passage. Quatorze hommes uniquement sont remontés. Il en reste 459 au fond[2]. À la fosse n°4, le docteur Lecat constate le décès de Georges Engelære, le mineur qui réparait le chevalet au moment de la déflagration. Il s'agit de la première victime officielle[2].

Sur le carreau de la fosse n°3, le directeur de la Compagnie Lavaurs s'entretient avec le directeur des mines de Lens Reumaux, le directeur des mines de Dourges Robiaud, le directeur des mines de Meurchin Tacquet (qui avait été ingénieur à la fosse n° 3) mais aussi des ingénieurs des compagnies voisines[2]. Sur le site, on peut apercevoir des médecins ainsi qu'une cinquantaine de gendarmes. Bar et Lecomte sortent du puits et vont voir le directeur Lavaurs. Ce qu'ils ont vu est comparable à un champ de bataille de 1870. L'ensemble des bowettes sont effondrées à 20 mètres de l'accrochage[2].

La plupart d'ambulances, des voitures tirées par des chevaux arrivent sur les carreaux des fosses n°2, 3 et 4/11. Elles sont chargées de ballons d'oxygène, de gouttières, de médicaments, de matelas et de paquets d'ouate. Des salles ont été transformées en infirmeries, des baquets ont été remplis d'acide picrique[2]. Des boissons chaudes ont été préparées par des femmes. L'explosion a eu lieu il y a trois heures. Seuls quelques hommes sont remontés. La foule prend progressivement conscience de l'ampleur de la catastrophe à la vue de l'organisation des secours.

Les efforts ont été concentrés au puits n°4. Dirigé par l'ingénieur Dinoire, le mécanicien d'extraction parvient à rétablir le libre jeu de la cage. Vers 10 heures commence à courir un bruit. Le porion-contrôleur Payen aurait réussi à ramener à l'étage d'exploitation 300 une cinquantaine de mineurs qui travaillaient dans un quartier du n° 11[2]. Parmi la foule aux abords de la fosse de Sallaumine, l'espoir de chaque personne est de retrouver un être cher. La cage remonte au jour. En trois voyages, 44 mineurs sont sauvés. Dans le lot, un des mineurs est gravement brûlé. Ses vêtements sont en lambeaux et son corps est presque nu. Il est immédiatement transporté à l'infirmerie où son corps est enveloppé de bandes de gaze jaunies d'acide picrique. La foule commence à s'agiter, les personnes présentes veulent à tout prix savoir qui sont les mineurs remontés. Au loin, l'ensemble des mineurs se ressemblent. Quand ils sortent du carreau de la fosse, ils sont tout de suite emmenés par les membres de leur famille chez eux[2].

C'est vers 10 h 30 qu'arrivent d'Arras le Préfet du Pas-de-Calais Duréault, l'ingénieur en chef du contrôle des mines Léon. Viennent ensuite des membres du parquet de Béthune. Le préfet interroge le chef-porion Douchy qui venait juste de remonter. Ce dernier vient de voir une douzaine de cadavres près de la recette (près du puits). À une vingtaine de mètres, les galeries sont éboulées, les bois tombés et les portes arrachées. Des coups sur des tuyaux ont été entendus par un autre sauveteur. Il reste par conséquent des survivants dans les galeries. Hélas, en l'état actuel des choses, il est impossible d'aller les sauver : les sauveteurs s'évanouissent à cause des gaz qui envahissent les galeries, et la cage ne peut plus descendre en dessous de 300 mètres de profondeur car ses guides tordus la bloquent[2].

Sous la direction de l'ingénieur en chef Léon, les ingénieurs de l'État prennent en main les opérations de sauvetage conformément au règlement. Il reste à la fosse n°4/11 et envoie Leprince-Ringuet à la fosse n°3 et Heurteau au 10. Il est impossible de coordonner le sauvetage car la majorité des ingénieurs sont déjà occupés dans leurs puits respectifs et les galeries pour tenter de sauver les survivants. [2].

Par la suite, la fosse n°10 devient le centre des secours dans la mesure où on peut accéder par les galeries aux puits n°2 et 3. C'est aussi dans cette fosse que l'équipe médicale venue de Lille opère. Les premiers cadavres commencent à être remontés. Deux cadavres couverts d'un linceul gisent sur deux lits de camps dans le bureau du chef de carreau. Les galeries accessibles sont sillonnées par des équipes de secours. Le maire de Billy-Montigny est interrogé tandis qu'il allait rentrer chez lui. Il prévoit la mort de 1 200 mineurs et reste étonné qu'un coup de grisou ait ravagé trois fosses[2].

Pour accéder aux divers étages d'extraction de la fosse n°3, il faut dans un premier temps déboucher le puits. Ingénieurs, mineurs et porions s'occupent à retirer le fatras de ferrailles tordues et de planches cassées[2]. Certains scient les fers, d'autres cassent à la hache les planches. Le tout est remonté par le cuffat. Le déblaiement effectué, l'opération redébute quelques mètres en dessous. Vers 15 heures, la profondeur atteinte est de 55 mètres. En fin de journée, les mineurs ont atteint 170 mètres. Impossible d'aller plus loin, les débris forment un amas inextricable[2]. Diverses solutions sont proposées. Le directeur des mines de Lens propose d'utiliser de la dynamite. D'autres proposent de laisser tomber un bloc de fonte dans le puits pour y précipiter au fond les débris. Petitjean n'est pas pour l'utilisation de la dynamite. Quant à Bar, il craint que le bloc dévie de sa chute et aille cogner contre les parois du cuvelage et que ces dernières ne cèdent. Ces nouveaux éboulements risqueraient de diminuer la section d'aérage. Qui plus est , il faudrait toujours pouvoir avertir les éventuels rescapés de s'éloigner du puits au moment de la chute. L'ingénieur Léon décida de surseoir la décision. Cependant, tout est prêt dans l'éventualité où un choix serait nécessaire[2].

À la fosse n°4/11, les ventilateurs marchent à fond. L'air devient plus respirable dans le puits, cependant, il reste impossible pour la cage de descendre au-delà de 300 mètres. L'idéal serait de remplacer la cage par une plus petite mais cette opération prendrait plus d'une heure. Ce délai est trop long, des hommes meurent au fond[2]. À cette heure, un bilan est dressé pour cette fosse : 852 descentes ont été enregistrées au matin. 47 hommes ont déjà été sauvés, et 125 mineurs furent miraculés. L'ingénieur avait fait remonter 125 personnes étant donné qu'ils n'avaient pas pu arriver à leurs tailles d'exploitation proches de l'incendie, quelques minutes avant la catastrophe. 680 mineurs manquent par conséquent à l'appel. Des mineurs descendent sous la cage pour scier les guides. Après une heure d'efforts, la cage peut passer. Un spectacle de désolation attend l'équipe de sauvetage quand elle atteint le dernier accrochage : des blessés souffrent atrocement au milieu des cadavres déchiquetés[2]. Pendant que certains sauveteurs font remonter au jour les blessés, d'autres explorent les bowettes. Les galeries sont remplies de mauvais air, d'éboulements et de cadavres.

Certains sauveteurs commencent à se sentir asphyxiés. Près de l'accrochage, Dinoire et Lafitte tombent. Quatorze cadavres sont remontés sur le carreau. La foule est anxieuse. Des ambulances arrivent. Des blessés ont par conséquent été remontés mais ils sont dans un sale état. Ils sont presques nus, leur peau se détache par lambeaux. L'un d'eux est même scalpé. Ils sont transportés à la lampisterie sur des civières. Ils sont pansés. Ils sont ensuite mis dans les ambulances. La grille s'ouvre, la foule arrête l'ambulance, des hommes montent à bord pour demander au blessé son nom. Ce nom est ensuite crié à la foule. On a ainsi Pierre Devos de Sallaumines, son bras droit est arraché. Viennent ensuite trois grands brûlés Eugène Choisy, cabaretier à Pont de Sallaumines, Gaspard Guilleman de Méricourt-Village et Jean-Baptiste Lemal de Méricourt-Corons. Certains blessés, aidés de leurs camarades, rentrent à pied dans leur coron. Les familles des mineurs veulent avoir des nouvelles des leurs[2].

Les sauveteurs se reposent légèrement sur le carreau. Ils pensent avoir entendu des appels mais l'air demeure irrespirable au fond. Un journaliste demande s'il reste toujours des blessés. Un sauveteur lui répond que c'est fini. L'ensemble des survivants ont été remontés, il ne reste plus que des morts. L'ingénieur Dinoire confirme[2].

À 14 et 19 heures, les sauveteurs réussirent à entendre des appels provenant du fond du puits.

À 22 heures, une équipe d'ingénieurs des Mines de l'État arrive. Elle prend désormais en main la conduite des opérations de sauvetages. Estimant que les conditions minimales de sécurité n'étaient pas remplies, ils ordonnèrent l'arrêt immédiat d'une descente plus profonde avant que ne soit consolidé le puits n°3. Les sauveteurs étaient néenmoins parvenus à 160 mètres de profondeur.

Le 11 mars, à 22 heures, la profondeur de 180 mètres est atteinte. On donna l'ordre de stopper définitivement les travaux de sauvetage. Un bilan du sauvetage des fosses n°2 et 4 est dressé : après deux jours et deux nuits d'efforts, on ramena 25 survivants et 43 cadavres. Quelques sauveteurs disparurent pendant ce sauvetage.

Le sauvetage des installations avant celui des mineurs

L'appareil Guglielminetti-Drager.
L'appareil Guglielminetti-Drager.
Le député Basly s'intéressant à la remonte des victimes.

Dans la journée du 11 mars, l'ingénieur en chef a voulu réunir une table ronde et interroger les survivants. L'objectif était de faire un point précis sur la situation. Par contre, les ingénieurs et les mineurs ne voulaient pas perdre de temps en bavardages pendant que leurs camarades mouraient au fond. Cette opposition eut sa part de responsabilité dans l'ampleur des pertes humaines car les ingénieurs envoyés par l'État, piqués dans leur orgueil, adoptèrent des mesures qui furent quelquefois aberrantes. Ils considéraient qu'il n'était pas envisageable de désobstruer le puits n°3, dont le cuvelage et les installations étaient fortement abimés à la profondeur de 160 mètres. Qui plus est , l'ensemble des recherches qui avaient été menées à partir des puits n°2 et 4 démontraient qu'il ne restait aucun survivant dans les quartiers du n°3, les ingénieurs de l'État décidèrent de fermer le puits n°3, d'actionner les ventilateurs pour le transformer en puits de sortie d'air. La polémique vient du fait que le grand nombre de victimes soit dû en grande partie à l'obstination de la compagnie minière à poursuivre l'exploitation dans les autres puits tandis qu'au fond un incendie n'avait pas encore été totalement maîtrisé et que des fumées et gaz toxiques remplissaient toujours les galeries. Mais il y aurait aussi eu certainement moins de morts si les recherches n'avaient pas été arrêtées dès le troisième jour et si une partie de la mine n'avait pas été murée, sur ordre de l'ingénieur général Delafond, pour étouffer l'incendie et préserver le gisement.

La gestion de la crise par la compagnie minière fut spécifiquement mal vécue par les mineurs et par leurs familles. La compagnie fut accusée d'avoir fait passer la sécurité des mineurs après la protection des infrastructures surtout en prenant la décision de murer les galeries et d'inverser l'aérage pour extraire la fumée et étouffer l'incendie au lieu de favoriser le travail des sauveteurs en leur envoyant de l'air frais. Qui plus est , les trois premiers jours, les corps extraits de la mine ne furent pas présentés aux familles pour identification. Lorsque celle-ci devint envisageable, elle ne fut ouverte qu'un seul jour : les familles durent ainsi passer en une journée devant les mille corps pour identifier leurs proches. Aucun responsable de la mine, ni aucun fonctionnaire ne donna non plus d'informations aux familles. Enfin, les veuves furent chassées des corons [note 8].

Le 12 mars, à une heure du matin, le plan est mis en œuvre, les orifices du puits sont fermés et les ventilateurs du puits n°3 sont redémarrés pour en faire sortir l'air. À l'inverse, les ventilateurs sont stoppés sur les puits n°2 et 4. Ils deviennent ainsi des entrées d'air. Le puits n°4 est fermé.

À 9 heures, Une équipe de mineurs allemands volontaires arrive pour aider dans les secours : ils étaient équipés de masques à oxygène, éléments que ne possédaient pas les sauveteurs français. Quand les sauveteurs allemands arrivèrent, les recherches étaient déjà abandonnées. Qui plus est , ils furent accueillis avec hostilité tandis que se déroulait la crise franco-allemande au Maroc.

Le lendemain, c'est sous une tempête de neige que se déroulent les obsèques officielles. À cause des flammes, la plupart de mineurs ne pourront jamais être identifiés. Pour éviter les épidémies, les corps sont ensevelis dans une fosse commune, nommée le silo. La cérémonie se déroule à la va-vite ce qui provoque colère et amertume chez les familles. L'ingénieur en chef et le directeur de la compagnie furent tellement hués par la foule qu'ils durent quitter le cimetière.


Arrivée des Sauveteurs allemands.
Groupe de Mineurs Sauveteurs.
Les Ambulances et le Bâtiment où sont soignés les blessés.
Brancardiers conduisant les corps à la Chapelle.
Vers le Cimetière, sous l'ouragan de neige.
Obsèques des victimes par temps de neige.
Bénédiction de la fosse commune.

La colère monte

Les sauveteurs découvrent un amoncellement de cadavres.

Le 14 mars, un nouveau bilan est établi : on dénombre 429 morts à la fosse n°3, 506 morts à la fosse n°4 et 162 morts à la fosse n°2

Le 15 mars, les sauveteurs doivent se décider à stopper les recherches à cause d'un incendie qui s'est déclenché dans les galeries. Ils ne trouvèrent que des cadavres ce jour-là.

La colère puis la révolte montèrent dans le bassin minier. Les mineurs se mirent en grève pour exiger de meilleures conditions de travail. 40 000 ouvriers étaient dénombrés dans ce mouvement à la fin du mois de mars. La visite effectuée par le ministre de l'intérieur Georges Clemenceau et l'arrivée de 20 000 militaires n'ont pas réussi à calmer la situation, bien au contraire.

On commença à se demander si les ingénieurs de l'État n'avaient pas fait une erreur en considérant qu'il n'y avait plus de survivants au fond uniquement trois jours après la catastrophe. D'autres rescapés auraient peut être pu être retrouvés. Jean Jaurès, dans L'Humanité, alla jusqu'à poser cette question : "Et serait-il vrai que, par une funeste erreur, ceux qui dirigeaient les sauvetages, croyant qu'il n'y avait plus en effet d'existence humaine à sauver, se sont préoccupés plus de la mine que des hommes ?"

Un miracle, 20 jours après la catastrophe

Les treize rescapés.

Le 30 mars, soit vingt jours après l'explosion, treize rescapés réussirent à retrouver le puits par leurs propres moyens après avoir erré dans le noir total sur des kilomètres. Ils furent aperçus par un ouvrier sauveteur à proximité de l'accrochage dans le puits n° 2. Une équipe descendit et trouva 13 hommes faisant des gestes désespérés dans l'obscurité. Les mineurs ont raconté avoir mangé le peu qu'ils trouvaient, y compris de l'avoine et un cheval qu'ils ont abattu à coups de pic.

Les treize rescapés sont Léon Boursier (19 ans), Louis Castel (22 ans), Honoré Couplet (20 ans), César Danglot (27 ans), Albert Dubois (17 ans), Élie Lefebvre (38 ans), Victor Martin (14 ans), Henri Neny (39 ans), Romain Noiret (33 ans), Charles Pruvost (40 ans) et son fils Anselme Pruvost (15 ans), Vanoudenhove Léon (18 ans) et Henri Wattiez (27 ans)

Berton, le dernier survivant.

Le dernier survivant des treize rescapés de la catastrophe était Honoré Couplet. Il est décédé en 1977 à l'âge de 91 ans. Parmi les rescapés deux d'entre eux continuèrent à travailler à la mine durant quarante-deux et quarante-cinq ans, dans la mesure où c'était leur seul gagne-pain.

L'impensable, 24 jours après la catastrophe

Un quatorzième survivant, Auguste Berton, mineur à la fosse n° 4 de Sallaumines, fut retrouvé le 4 avril, grâce aux secouristes allemands qui avaient apporté des appareils respiratoires qui faisaient cruellement défaut aux compagnies minières locales. Il avait erré durant 24 jours à plus de 300 mètres de profondeur, dans le noir complet et les fumées toxiques. Il fut remonté par le puits n° 4.

Répercussions politique et sociale

La grève des mineurs.

L'émotion qui s'ensuivit, et la polémique sur la gestion des secours, sont à l'origine d'un vaste mouvement de grève. Le 13 mars, lors des obsèques des premières victimes, à la fosse commune de Billy-Montigny, sous une tempête de neige, en présence de 15 000 personnes, le directeur de la compagnie est accueilli par des huées et des «assassins !» et doit rapidement partir ; la foule scande «Vive la révolution ! Vive la grève !». Le lendemain, les mineurs refusent de redescendre au fond. Les syndicats nomment à une grève qui couvre aux puits environnants. Le mouvement couvre à l'ensemble des bassins miniers français et se développe jusque dans le Borinage, en Belgique. Le 16 mars, 25 000 ouvriers sont en grève, chiffre qui monte même à 60 000. Les incidents se multiplient entre grévistes et non-grévistes, mais également entre les partisans du "Vieux Syndicat" mené par Émile Basly et le "Jeune Syndicat", affilié à la CGT et mené par Benoît Broutchoux. Face aux mineurs en colère, Georges Clemenceau, alors Ministre de l'Intérieur, mobilise 30 000 gendarmes et soldats et envoie treize trains de renforts militaires[note 9]. De nombreuses arrestations ont eu lieu.

Les mineurs en grève.
Obsèques du Lieutenant Lautour suite aux manifestations.

La colère des mineurs est renforcée par la découverte tardive de rescapés. Les secours ont manifestement été abandonnés trop tôt et la Compagnie de Courrières est accusée de vouloir enterrer vivantes les victimes. La grève se durcit et un officier de l'armée est tué le 23 avril. À la fin du mois, malgré la répression et le manque d'argent des familles des mineurs, le patronat concède des augmentations de salaires. Le travail reprend début mai.

Cette catastrophe a suscité un élan de générosité sans précédent en France et en Europe et 6, 5 millions de francs-or sont collectés. La compagnie minière elle-même donne 2, 2 millions de francs aux ayants droit et verse des rentes annuelles de l'ordre de 500 000 francs aux familles.

La catastrophe provoqua une crise politique et un mouvement social qui déboucha sur l'instauration du repos hebdomadaire[6].

Après la catastrophe, la langue française s'est enrichie d'un mot nouveau d'origine picarde : rescapé, beaucoup repris dans la presse, et qui supplanta réchappé.

Répercussions techniques

Suite à une catastrophe d'une telle ampleur, une légitime exigence de «plus jamais ça» s'est vu consacrée. Des études ont par conséquent été conduites pour analyser ce qui s'était passé et mettre au point des méthodes servant à diminuer le risque, et , plus toujours, sa gravité.

L'analyse a montré que trois facteurs avaient causé la catastrophe. Le premier est un «coup de grisou», l'explosion d'une masse d'air mélangée de grisou, gaz naturel associé au charbon et principalement composé de méthane. Ce gaz est dissous dans le charbon et les roches encaissantes (des schistes et des grès), mais s'en échappe du fait que la pression est bien moindre dans l'air des galeries que dans les roches. La fracturation des roches, naturelle ou induite par le foudroyage, favorise ce dégazage. Le deuxième facteur est l'inflammabilité des poussières de charbon. Le souffle brûlant du coup de grisou les met en suspension dans l'air et les consume instantanément, ce qui renforce l'explosion qui peut ainsi se propager, littéralement comme une trainée de poudre. C'est le «coup de poussier». Le troisième facteur est l'absence d'obstacle qui pourrait empêcher l'explosion de se propager indéfiniment dans les galeries et les puits.

Depuis bien longtemps, le risque de coup de grisou est prévenu par une aération suffisamment importante pour que la teneur du grisou dans l'air n'atteigne jamais les teneurs dangereuses de 6 à 12%. Cette précaution n'est pas infaillible car le débit des émanations de grisou peut fluctuer de manière imprévisible. Le risque de coup de poussier est complexe à prévenir car la poussière de charbon est omniprésente dans la mine, et parce que l'aération, qui dilue et emporte le grisou, dessèche aussi ces poussières. Les parades sont , d'une part l'arrosage, et d'autre part l'ajout à la poussière de charbon de poussière ininflammable, comme la poussière de roche. L'énormité de la catastrophe de Courrières s'explique par la propagation indéfinie de l'explosion, 110 km de galeries ravagées, rappelons-le. Ce risque ne faisait alors l'objet d'aucune prévention. Les études menées ensuite portèrent par conséquent surtout sur cet aspect, et aboutirent aux arrêts barrages, ou taffanels, du nom de leur inventeur Jacques Taffanel. Ces arrêts barrages consistent en une sorte de faux plafond en planches sur lequel sont posés des auges remplies d'eau, de plâtre ou de poussières ininfammables, et sont le plus souvent associés à une cloison bouchant la galerie, une porte normalement fermée donnant la possibilité de néanmoins le passage. L'objectif de cette cloison n'est pas d'arrêter un éventuel coup de poussier, mais plutôt de concentrer son souffle sur les auges pour en disperser le contenu dans un grand volume d'air qui, lui, fera bouchon en privant l'explosion de nouveau combustible. Disposés le long des galeries, ces systèmes se sont révélés efficaces, puisqu'aucune catastrophe n'a atteint depuis, et de loin, l'ampleur de celle de Courrières.

À partir de cette époque, les lampes à feu nu sont bannies au profit des lampes dites de sûreté (lampes Davy). En 1907, le premier poste central de secours du bassin Nord-Pas-de-Calais est créé à Liévin (il sera transféré à Éleu-dit-Leauwette après sa destruction au cours de la Première Guerre mondiale). On y forme des équipes spécialisées de sauveteurs et on y étudie les risques dus au grisou ainsi qu'aux poussières. En 1910, apparait le marteau-piqueur qui augmente le rendement, mais également la quantité de poussières, avec les risques d'explosion et de maladie (silicose) qui en découlent...

Bilan humain

Plusieurs jours après la catastrophe, les familles avaient toujours l'espoir que l'un des leurs soit retrouvé sain et sauf.
Quelques survivants.
Énormément de mineurs passèrent quelques jours à l'hôpital.
Quelques cadavres.
Les rescapés attendent le train pour Biarritz.

L'accident fit officiellement 1 099 morts sur près de 1 800 mineurs descendus ce jour-là, mais le bilan réel est certainement supérieur à cause de la présence de travailleurs «irréguliers» dont le décès n'a pas été imputé à cet accident. Pris au piège, la majorité des ouvriers sont morts asphyxiés ou brûlés par les nuées ardentes de gaz toxiques. En fin de journée, uniquement 576 mineurs étaient parvenus à s'échapper de la catastrophe. À ce bilan doit toujours être ajouté le décès d'au moins seize sauveteurs qui interviennent dans des conditions de sécurité et d'hygiène précaires[note 10].

Répartition des victimes par commune[7]
Communes Nombre
de morts
Communes Nombre
de morts
Acheville 5 Loison-sous-Lens 22
Achicourt 1 Méricourt 404
Athies 2 Montigny-en-Gohelle 9
Avion 30 Neuville-Vitasse 1
Bailleul-Sir-Berthoult 8 Neuvireuil 1
Beaurains 1 Noyelles-sous-Lens 102
Billy-Montigny 114 Oppy 5
Dourges 1 Rouvroy 9
Farbus 1 Sailly-Labourse 1
Feuchy 1 Saint-Laurent-Blangy 1
Fouquières-lez-Lens 36 Sallaumines 304
Hénin-Liétard 8 Thélus 2
Izel-lès-Équerchin 1 Vimy 13
Lens 12 Vitry-en-Artois 1
Willerval 3


Répartition des victimes par âge[8]
Âge Billy-
Montigny
Méricourt Noyelles-
sous-Lens
Sallaumines Autres
Communes
Total Pourcentage
13 ans 0 2 0 0 0 2 0, 182 %
14 ans 6 17 5 14 5 47 4, 273 %
15 ans 9 27 10 15 12 73 6, 637 %
16 ans 5 20 6 11 13 55 5 %
17 ans 8 19 6 21 11 65 5, 909 %
18 ans 3 28 2 14 13 60 5, 454 %
19 ans 3 13 5 13 13 47 4, 273 %
20 ans 8 17 5 5 13 48 4, 364 %
21 à 25 ans 17 45 10 39 18 129 11, 728 %
26 à 30 ans 11 65 19 49 25 169 15, 364 %
31 à 35 ans 14 40 9 54 16 133 12, 090 %
36 à 40 ans 17 37 12 32 17 115 10, 454 %
41 à 45 ans 7 40 7 22 10 86 7, 818 %
46 à 50 ans 1 22 6 11 5 45 4, 090 %
51 à 55 ans 5 10 0 3 5 23 2, 091 %
56 ans et plus 0 2 0 1 0 3 0, 273 %
Total 114 404 102 304 176 1099 100 %

D'après les chiffres du tableau, parmi la totalité des victimes, les mineurs âgés de 13 à 18 ans inclus représentent 27, 45 % des victimes, 36, 10 % pour la tranche d'âge de 13 à 20 ans inclus, 39, 20 % pour la tranche d'âge de 21 à 35 ans inclus, enfin, les mineurs de 36 ans et plus représentent 24, 70 % des victimes.

La catastrophe est connue sous le nom de «catastrophe de Courrières» car c'est dans cette commune que siégeait la compagnie des mines concernée, la catastrophe ne s'est en fait pas déroulée sur le territoire de Courrières, et n'a tué aucun Courrièrois. La catastrophe a eu lieu vingt ans après la première parution du roman Germinal d'Émile Zola. Son auteur était décédé depuis quatre ans.

Monument aux victimes de la Catastrophe de Courrières, à Avion.

Commémorations

La nécropole de Méricourt abrite dans une fosse commune (le «silo») les corps de 272 mineurs non identifiés. Un monument commémoratif y a été édifié ; un autre rappelle la catastrophe survenue dans la ville voisine de Fouquières-lez-Lens le 4 février 1970. À l'occasion du centième anniversaire de la catastrophe de 1906, la Communaupole de Lens-Liévin a aménagé un «parcours des rescapés» entre la nécropole et l'emplacement de l'ancienne fosse de 2 de Billy-Montigny où 13 survivants ont rejoint le jour, 17 jours après l'arrêt des recherches. Cet aménagement d'un kilomètre de long comprend 21 limites métalliques sur lesquelles sont relatés le quotidien et les événements qui suivirent en surface et la survie des rescapés dans les galeries. La création de cet aménagement a été conçu par Territoires, Sites et Cités-paysagistes, Vrignaud Nicolas et Louazon Jean-Marc (scénographes).

La nécropole (le «silo») de Méricourt.
Inauguration du «parcours des rescapés» vers la fosse 2 de Billy-Montigny.

La Poste française a mis en vente le 6 mars 2006 un timbre d'une valeur de 0, 53 € commémorant le souvenir de cette catastrophe. Au format vertical de 30x40 mm, il a été dessiné par Paul Véret-Lemarinier selon une œuvre de Lucien Jonas (1880-1947) et représente un mineur agenouillé avec une lampe à la main et une barrette (chapeau en cuir alors porté dans les mines) sur la tête. Il est imprimé en héliogravure par feuille de 48 timbres.

Du 9 au 11 octobre 2006 a été organisé au Centre historique minier de Lewarde un colloque international sur la catastrophe et ses conséquences ainsi qu'une double exposition sur Courrières et Marcinelle qui s'est déroulée jusqu'au 7 janvier 2007.

Notes et références

Notes

  1. La Compagnie des mines de Courrières numérote ses puits de manière chronologique. Ainsi, quand un puits secondaire est ajouté, il ne porte pas de numéro bis mais un nouveau numéro. Lors de la mise selon le puits secondaire, la fosse porte comme nom les deux numéros comme ici 3/15, 4/11 ou encore 10/20.
  2. Le moulinage est le débouché au jour des cages qui remontent les wagonnets.
  3. Des gaz méphitiques sont des gaz toxiques, asphyxiants et nauséabonds.
  4. Un homme d'about est un mineur qui s'occupe de l'entretien du puits, des ascenseurs et du cuvelage.
  5. Un porion est un contremaître.
  6. Un goyot est un compartiment dans le puits scindé du puits d'extraction par une cloison étanche. Le goyot peut servir pour l'aérage ou pour les échelles.
  7. Une bowette est une galerie de communication principale.
  8. Les corons sont les logements de fonction des mineurs.
  9. Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est quadrillé par les militaires, soldats et gendarmes, avec un rapport de force d'un soldat pour trois mineurs (Denis Varachin, 2006)
  10. Fumées et gaz d'incendie, corps en décomposition et invasion de mouches (Denis Varaschin, 2006)

Références

Voir aussi

Bibliographie

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Filmographie

Liens externes

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